D'Uyuni a Potosi
Publié le 23 Mars 2012
La route entre Uyuni et Potosi est magnifique, mais comme beaucoup de routes boliviennes, elle se mérite, et de haute main. Nous ne partons qu’en fin de matinée d’Uyuni, laissant Aurélien, qui veut absolument faire la traversée du salar en vélo. Il nous rejoindra un peu plus tard. Emmanuelle nous accompagne peu encline à barboter des heures dans l’eau salée. Dès la sortie d’Uyuni, c’est de la piste qui nous attend. Et quelle piste, ravinée par les pluies, tassée par les camions. Ce jour-là nous ne ferons que 17 kilomètres, le plus souvent en poussant les vélos. Les pentes sont tellement raides que nous nous mettons à plusieurs pour hisser les vélos. Et puis cela fait 9 jours que nous n’avons pas pédalé. La reprise est terrible. Avec l’altitude et la pente, nous avons le souffle coupé et les jambes idem au bout de quelques mètres. Malgré les feuilles de coca que nous mastiquons tous, nous peinons.
Les premiers arrivés, Philippe, Manue et Cédric, viennent aider les dernières Margaux et moi.
Heureusement le paysage nous encourage, nous nous élevons peu à peu au-dessus du salar et avec toujours visibles au loin les volcans enneigés. Peu avant le col, nous nous arrêtons remettant au lendemain le passage à 4200 mètres. Nous franchirons plus facilement les quelques kilomètres qui nous restent le jour suivant et redescendons jusqu’à la route. Voilà enfin un superbe ruban asphalté où nous filons. La route est toute récente et très peu fréquentée, nous y croisons plus de lamas et de vigognes que de voitures. Nous sommes dans une sorte de Quebrada, avec des roches vertes, rouges ou ocre magnifiques. A chaque virage ou petit col, un nouveau paysage se dévoile.
Nous trouvons sans difficultés des endroits pour dormir, le premier soir dans un village en ruines, surplombant la vallée. Le lendemain un coin idyllique, petit replat herbeux, au bord de la rivière où nous nous lavons. Il fait doux, et nous nous régalerons de chamallows grillés ainsi que d’une soirée étoile, allongés dans l´herbe à guetter les étoiles filantes.
Nous ne nous lassons pas de croiser les lamas. Un matin, deux bébés lamas nous aperçoivent, et viennent sur la route faire la course avec nous, nous prenant probablement pour de drôles de congénères. Leur mère les rattrape un peu plus loin pour les rappeler à l’ordre !
Les jours suivants seront particulièrement sportifs. La route est une succession de cols entre 4000 et 4200 mètres, avec des pentes raides, qui replongent ensuite en fond de vallée, nous faisant perdre en quelques minutes tous les mètres que nous avions péniblement gravis. Nous en venons à appréhender les descentes car nous savons qu’il faudra recommencer à gravir. Après Ticatica, une seconde portion de piste nous attend, pour grimper au col, mais elle est un peu moins raide, et plus roulante. La route est en construction, travail titanesque à cette altitude et avec les pluies violentes. Une matinée alors que je peine avec le vélo, Emmanuelle me propose d’échanger. La voilà sur le pino avec Léna ou Nicolas qui se disputent la place à ses côtés.
Quant à moi, c’est le bonheur, j’ai l’impression de faire une petite balade malgré les côtes. 40 kilos de moins, tout de suite cela va beaucoup mieux. C’est décidé la prochaine fois, je pars sur un vélo toute seule !!!
Depuis notre départ d’Uyuni, le temps est plutôt clément, mais un jour en fin d’après-midi, le ciel se couvre. Nous cherchons d’abord un premier endroit pour bivouaquer, mais il n’y a pas d’abri pour le vent et nous décidons de continuer jusqu’au village suivant. Nous atteindrons Agua de Castilla au moment où le ciel s’obscurcit pour de bon, et la nuit tombe, les éclairs se rapprochent des 2 côtés et nous cherchons tant bien que mal la place du village où on nous a signalé un hébergement. Il n’y a pas d’éclairage public et se diriger dans ces rues n’est pas évident. D’un coup, l’orage éclate sur nous, ce n’est pas de la pluie qui tombe mais de la grêle, nous nous abritons comme nous pouvons avant qu’une femme ne nous indique le terminal de bus mieux protégé. Il fait un froid glacial à 4000 mètres et les voitures qui viennent du village au-dessus sont couvertes de neige. Nous attendrons une demi-heure que le temps se calme. Mais le seul hébergement du village, pourtant assez important, est fermé. Un bolivien qui attend à l’abri part se renseigner sous la pluie pour savoir où nous pouvons passer la nuit. Il reviendra un peu plus tard nous amener dans l’école du village où le gardien est en train de pousser tables et chaises d’une salle pour que nous puissions nous installer.
Nous passerons donc une bonne nuit au sec et nous lèverons tôt pour laisser place aux élèves. Notre dernière journée avant Potosi sera aussi la plus dure, deux cols à plus de 4000 mètres, 2 plongeons dans des vallées verdoyantes. Sur les derniers kilomètres, nous nous disons qu’il ne reste plus grand-chose mais la route fera encore des siennes. Alors que nous pensons entrer dans la ville, elle nous refait plonger tout en bas de cette ville tout en hauteur. Il nous reste 250 mètres de dénivelé et 5 kilomètres bien difficile pour arriver au centre, sur des rues pavées et au milieu des gaz d’échappement ! Jamais ville ne nous avait paru si difficile d’accès.
Nous nous posons heureusement dans une guest house sympathique et y retrouvons un trio belge croisé un peu plus tôt sur la route, eux aussi en vélo. Nous prendrons tous nos repas ensemble, discutant de nos expériences.
Potosi, construite sur son Cerro Rico, tout en hauteur. Elle fut une des plus riches et importantes villes d’Amérique. Au XVI ème siècle, un indien parti chercher un lama qui s’était echappé, fait un feu. La terre se met a fondre et en sort un liquide brillant. Le cerro est une mine d’argent qui sera exploité pendant des années par les espagnols. Ainsi naît la ville. Elle garde de son splendide passé de superbes facades coloniales et de nombreuses eglises. Nous y resterons 3 jours, nous promenant dans ses ruelles pleines de charme, profitant du marché central et des petits marché autour pour faire nos courses.
Nous verrons à plusieurs reprises des défilés d'écoles ou de collèges, accompagnés par la fanfare militaire. On nous expliquera qu'en début d'année, toutes les écoles défilent pour demander l'accès à la mer, perdu au XIX ème siècle au profit du Chili.
Comme toujours, nos journées de repos sont bien occupées. Nous visitons la Casa de la Moneda, superbe batisse. Première « maison de la monnaie » construite à Potosi en raison de la richesse en argent, elle servit a frapper la monnaie pendant 4 siècles, avec longtemps des techniques rudimentaires et des conditions de travail effroyables. La monnaie fut frappé à la main pendant 2 siècles avant que progressivement des machines ne viennent simplifier la tâche. Transformée en musée depuis 1952, la visite est passionnante et permet de suivre le travail réalisé. Les bâtiments magnifiques en pierres, bois et briques, abritent les différents instruments utilisés ainsi qu’une belle collection de minéraux et de nombreux objets et peintures.
Nous irons également visiter les mines en activités. Nous avons beaucoup hésité, pour faire cette visite. L'idée d'aller voir des hommes travailler dans des conditions proches de celles décrites dans Germinal ne me tentait guère. Mais les enfants souhaitaient y aller, et ce témoignage est intéressant. De plus une partie de la visite est reversée à la communauté des mineurs. Nous choisissons donc une visite qui reste dans le premier niveau, pour ne pas descendre au fond de la mine. Elle sera instructive pour tous. Nous nous équipons, et passons la matinée en compagnie d'une guide qui parle un francais impeccable.
La plupart des mineurs sont jeunes, et passent des heures dans ces galeries où il faut souvent se courber. L'air y est peu respirable. Nous observerons le travail de ces hommes et leur amenons quelques denrées qui les aident à supporter ce labeur, feuilles de coca, tabac, alcool. Pas vraiment très sain, mais c'est ce que l'on nous demande. Les femmes n'y travaillent pas car les mineurs craignent que la "Pachamama" ( mère de la Terre) ne soit jalouse. Elle est considérée comme la "mère" des veines ou filons trouvés. Leur père étant le dieu Tio dont plusieurs effigies trônent dans les galéries et font l'objet d'offrandes fréquentes. Les mineurs sont maintenant organisés en coopérative et travaillent pour leur propre compte.
Nous repartons demain matin en direction d'Oruro et devrions retrouver Aurel d'ici quelques jours. La route devrait être un peu comme pour venir ici : vallonée !!!